Une œuvre traversée

Le travail d’Anne-Marie Pécheur parcourt une quarantaine d’années.
Depuis 1975, elle a régulièrement mis en œuvre une peinture ayant comme préoccupations essentielles, le passage (de la couleur) et la traversée (des apparences).

Un travail de gravure est à l’origine de ce souci constant de l’empreinte, de la trace en creux du signe, de l’obscurité et de la lumière des surfaces.

Les surfaces furent donc creusées puis perforées, conférant à la peinture un statut de couleur écrite, la forçant à une inscription de haut en bas et de gauche à droite.

Anne-Marie Pécheur fut sans doute influencée par le mouvement support/surface, mais elle a pris chez elle une voie transversale et recouru à une histoire où se mêlent les arts premiers, l’antiquité, l’enluminure, la littérature.

Cette peinture est liée à un effeuillement, un arrachement découvrant à la fois le dessous des peaux, des pores ouverts qui aspirent et respirent l’air et la lumière.
Les surfaces sont des corps plats, s’y irriguent les fluides de la couleur, orientée vers leur propre existence, coulant, s’écoulant, dispersée dans un ordre précis.

Le peintre est anatomiste et dénude à l’extrême les surfaces sensibles de la matière, comme peindre en classant par ordre, dans une structure établie par avance, avec des couches présupposant un inaltérable et mémoriel savoir, connaître le dessus et le dedans et le dessous des choses.

Aujourd’hui, se met à jour un enchaînement de la logique de sa peinture. Jusqu’à présent l’artiste avait décidé de laisser aller, « un certain laisser-aller », durant 40 ans, dans ce difficile traitement de la création, où se cultivent les éléments et leur géologie.
Le détour et l’impasse étaient instaurés comme système, mais la page est découverte avec les éléments de la construction de sa propre existence.

Voilà les éléments de l’histoire du travail d’Anne-Marie Pécheur depuis 1975 :

  • graver, gravure : « ce sur quoi l’on a écrit », terre, pierre métal, plante, toile et papier
  • creuser : faire une trace muette sur l’envers du papier, avec une pointe sèche.
  • perforer : le papier avec un emporte-pièce de travailleur du cuir, aligner des ronds creux sur des surfaces les plus grandes possible, posées au sol.
  • ordonner : la peinture autour du trou, des trous.
  • tendre : la toile sur châssis, et peindre l’histoire précédente.
  • peindre, une peinture mouvante et vivante, tout émergente du dessous des choses, arabesque et volutes.
  • trouer le bois, et faire venir les formes naturelles.
  • les éléments, ce qui pousse du dessous au-dessus, les plantes, la relation botanique classement, ordre des couleurs des fleurs,
  • le dessous et le dessus se dessinent en couple, ouvrir l’un, figures à planter là dans le système de « quand je coupe en deux ».
  • installation de lumière monumentale.